en Polynésie française

Le cadastre en Polynésie française


Objet : Le cadastre en Polynésie française - Histoire - Etat en 2005 -
LE CADASTRE EN POLYNESIE FRANÇAISE
Par Monsieur Jean-Michel PETIT
Ingénieur Géomètre E.S.G.T. - Expert près la Cour d’Appel de PAPEETE
AJPF - Commission sur le foncier - Exposé 2004
Publié in Bulletin de l’AJPF – n°1 – 03/2005

1) LA NOTION DE CADASTRE
1.1 - Le cadastre Métropolitain

a) Cadastre napoléonien- Loi de 1807 (impose le principe de levé parcellaire de toutes les communes),
- Elaboration (1808 – 1850),
- Précision,
- Qualités, défauts: si techniquement le cadastre a été réalisé correctement, le plan ne permettait pas une mise à jour des morcellements
b) Loi de 1930
- Elle prévoit la conservation annuelle des plans rénovés,
- Rénovation ou réfection,
c) Loi de 1955
- Nouveau système de publicité foncière : l’identification des immeubles au fichier immobilier tenu à la Conservation des Hypothèques prend le cadastre rénové comme référence.
d) Perspectives
- Plan National numérique, qui garantirait le mètre carré.
e) Missions
- Fiscale : car il arrête la contenance de la parcelle soumise à la taxe foncière,
- Technique : permet d’avoir un état quasi instantané de la situation foncière mais aussi bâti d’une zone,
- Foncière : cf loi de 1955 sur l’enregistrement, les références cadastrales servant à identifier les immeubles
*
1.2 - Le cadastre en Polynésie
a) Loi tahitienne du 24.03.1852
Cette loi oblige à l’enregistrement des terres, tant privées que d’apanage.
Pas de plan prévu.
Seulement des déclarations reçues sur un registre, rédigées en tahitien, qui sont examinées par une commission comprenant des personnalités du district (TOMITE).

b) Arrêté du 05.11.1862
Créé un Service du Cadastre chargé du mesurage des terres, de la confection des plans parcellaires et des procès verbaux.
Tous les documents réalisés ont disparu suite au cyclone de 1906.

c) Décret du 24.08.1887

Il modifie les procédures de revendication.

- La déclaration est adressée au receveur qui rend la déclaration publique,
- Délai pour faire opposition,
- Délai de 5 ans pour déclarer sa propriété,
- Arrêté du 22.12.1898 relatif aux
Iles sous le vent
- Décret du 31 mars 1902 relatif aux Marquises

d) Arrêté du 04.10.1913
Créé le service topographique chargé de procéder au bornage et au levé des plans parcellaires : les géomètres ont pour mission de procéder aux relevés préliminaires puis sous contrôle du Conservateur procéder au bornage des terres.

e) Arrêté du 09.08.1927 complète le précédent.
Cet arrêt prévoit la convocation des propriétaires pour assister à la délimitation des terres par le géomètre.
Il est dressé un procès-verbal des opérations de bornage signé par les propriétaires et les riverains. Il est prévu l’assistance par des autorités compétentes pour trancher les litiges soit le juge de paix à PAPEETE et à TAHITI, MOOREA, MAKATEA et les îles TUAMOTU les conseils de districts.
Aux îles sous le vent, le chef de district assisté d’un juge indigène, aux Marquises et aux îles TUAMOTU non constituées en district, le juge de paix.
Il prévoit la possibilité de faire apposition : toutefois, ces opérations étaient payantes.
Au bout de six mois, il ne sera plus reçu d’opposition et le résultat des opérations sera définitif. Si les litiges dépassent la compétence des autorités en charge du contrôle, le chef du Service topographique pourra porter l’affaire devant les Tribunaux compétents.
Cet arrêté a par la suite été modifié par celui du 15.12.52 qui maintient la présence d’autorités compétentes pour trancher les litiges.
Les opérations engagées donnent lieu à l’élaboration des documents suivants :
- Procès verbaux de bornage numérotés et indiquant le nom de la terre, regroupés dans un registre par Commune,
- Plan de bornage individuel dont le numéro correspond au procès verbal,
- Assemblage au 1/10 000ème par Commune.
C’est ce qu’on appelle l’ancien cadastre (à rapprocher du cadastre napoléonien)

f) Arrêté du 02.04.1975
L’ancien cadastre ne permet pas la mise jour des plans ni des procès verbaux (on trouve parfois
des mentions de jugements sur ceux-ci mais pas de trace des mutations (ventes, partage)).
L’arrêté du 02.04.1975 redéfini les tâches du Service du Cadastre ; il est complété par l’arrêté du 1er octobre 1976.
Ces textes définissent les règles pour l’établissement et la mise à jour du « nouveau cadastre ».
*
2) LE CADASTRE EN POLYNESIE
a) Etat actuel

3 systèmes cohabitent
•les zones non cadastrées (« TOMITE ») exemple : RARAKA
•les zones non rénovées, donc encore soumises à l’ancien cadastre, c’est-à-dire que les morcellements et mutations n’apparaissent pas sur les documents cadastraux. exemple : RAIVAVAE ou TAHAA pour partie
•les zones sous le régime du nouveau cadastre. On peut alors distinguer 3 sous-régimes :
- zones où le cadastre a été fait avant le décret de 1975, soit sous forme de plans individuels, qui ont été rajoutés bout à bout pour en faire un plan cadastral avec des sections et des numéros (HIVA OA ou RANGIROA) : peu précis, car ancien, les bornes ont été posées mais la plupart ont disparu
- zone où le cadastre n’existait pas et a été directement réalisé sous forme globale (FAKARAVA, PAPEETE entre 1990 et 2004) : les limites sont bornées et le travail est précis
- zone où le cadastre ancien existait et qui a fait l’objet de rénovation cadastrale (ARUE, FAAA, AFAAHITI, MOOREA) : il n’y a pas eu d’opérations de bornage global
b) Etat futur
L’état a financé la poursuite des opérations sous forme de crédits de l’ordre de 500.000.000 F/an sur 5 ans devant permettre à l’horizon 2007 d’avoir achevé la majeure partie des travaux cadastraux.
Toutefois en 2003, aucun appel d’offres n’a été passé. A cette date, 81% des terres utilisables représentant 47 % de la surface de la Polynésie étaient cadastrées.
En 2004, la somme était de 180.000.000 F. A partir de 2005, pour une durée de 7 ans, le gouvernement en place envisage d’investir 700.000.000 F/an pour terminer la totalité du Cadastre

c) Intérêt du cadastre
Pour justifier de telles sommes, quel est l’intérêt du cadastre :
- Tout d’abord, il constitue un inventaire des terres et l’élément indispensable pour appréhender une gestion foncière. Pour cela, il faut un cadastre vivant donc rénové.
- On peut noter qu’il est en cours depuis 1852 et les litiges fonciers ne font que se multiplier.
- 150 ans après la première loi et 142 ans après l’arrêté instituant le bornage de terres, il resterait environ 53 % du territoire, qui n’ont pas fait l’objet de travaux de rénovation ou de confection cadastrale. Ainsi est-ce le cas de notamment de Rapa, mais aussi de nombreux atolls en confection, RURUTU en rénovation.
- Toutefois si le cadastrage des terres, pour reprendre une expression consacrée, ne résout pas le problème de l’indivision, il en est le préalable nécessaire.
Enfin, le cadastre rénové est indispensable pour appliquer à la totalité du territoire le décret du 4.01.55 créant une publicité foncière par immeuble.
d)Valeur du cadastre
Valeur technique
Les travaux cadastraux dit de confection et de rénovation entrepris après 1975 répondent aux normes métropolitaines.
La précision observée est de 20 cm sur un point repéré sur plan et sa situation réelle sur le
terrain.
Par contre, les travaux antérieures à 1975, cas par exemple des plans en montagne à HUAHINE ou RAIATEA- ne permettent pas d’adapter les parcelles relevées à l’époque avec la topographie réelle. Les travaux de rénovation devraient permettre de remédier à cette situation, mais également créés des conflits.
Valeur foncière. Le plan cadastral est le complément du titre de propriété
Dans les travaux de confection cadastrale ou premier cadastre, qui donnent lieu à la pose des bornes une évolution a eu lieu :
A l’origine, il semble que l’on ait négligé certain Tomite et revendications pour plutôt privilégier les occupations et les dires des personnes présentes lors des opérations de délimitation : ceci explique les conflits et les procédures en justice où des descendants de propriétaires ayant revendiqués leurs terres ne retrouvent pas ces terres dans les registres du Cadastre. Par exemple : MOOREA : le cadastre a
été réalisé entre 1939 et 1942 ; 60 ans après, les petits enfants de personnes qui elles même descendaient des personnes ayant revendiqué des terres engagent des procédures pour récupérer une
terre « oubliée ».
La question est de savoir s’il y a eu oubli involontaire, ou volonté de ne délimiter que les biens pour lesquels existaient des personnes présentes.
L’analyse des pratiques récentes des agents du Cadastre aux TUAMOTU peut nous éclairer.
Ainsi tant à FAKARAVA qu’à KAUEHI, le géomètre recevait les parties puis délimitait selon leurs dires les terres tout en contrôlant le Tomite ou l’acte éventuel.
La plupart des propriétaires n’étant pas présents, afin de boucher les trous du « puzzle », il a été introduit des terres dites domaniales, parfois non dénommées. Cette démarche explique les conflits rencontrés à FAKARAVA et les problèmes survenus à KAUEHI où finalement les travaux ont été confiés à un cabinet privé (nous en l’occurrence).
Notre démarche a alors consisté à faire l’inventaire de toutes les déclarations JOPF, tous les Tomite, tous les actes enregistrés et transcrits relatifs à KAUEHI. Puis à l’aide de sachants, nous avons positionné une partie des terres et complété l’ensemble en contrôlant la concordance des terres ajoutées par rapport à l’énoncé des Tomite.
La quasi totalité des terres ont donc pu être positionnées. Seules celles ayant une désignation n’appelant aucune terre connue ou n’ayant pas été appelées par d’autres terres n’ont pu trouver leur place.
Donc, en matière foncière, le cadastre peut avoir oublié des terres : cela est d’autant plus préoccupant qu’en figeant les limites de propriétés lors des opérations de délimitation et de bornage, il est difficile de « réintroduire » par la suite (parfois 75 ans comme à PAEA) des terres oubliées.
De la même manière, lors des travaux de rénovation cadastrale de l’atoll de ANAA, nous avons pu constater que par exemple une grande terre avait été attribuée à une seule famille alors qu’il existait 9 terres ayant le même nom, situées au même endroit et revendiqués par 9 familles différentes.
Lors des travaux d’extension de l’aérodrome de FAAITE, il a pu être constaté que 4 terres portant le même nom avaient été présumées domaniales mais dénommées, alors que les Tomite existaient.
Enfin, lors des travaux de confection cadastrale de l’atoll de FANGATAU, alors qu’il n’y avait que 200 Tomite à positionner sur 600 ha, nous avons pu découvrir plus de 650 revendications répertoriées dans des registres avec croquis de délimitation : ces terres ont pu être positionnés. Toutefois, elles ont été inscrites comme litigieuses entre le Territoire et le revendiquant au motif que le contenu des registres n’avait pas été publié. Il y avait eu carence de l’administration qui n’avait pas acheminé les registres à PAPEETE afin de les publier.

Valeur juridique
a) Sur les limites foncières
Compte tenu de ce que l’on a pu voir, le cadastre découle de la délimitation des terres :
Le cadastre rénové est élaboré à partir du cadastre ancien qui avait donné lieu à l’établissement de procès verbaux de bornage et à la pose des bornes. Ces documents cadastraux régulièrement dressés devraient être considérés comme définitifs.
Par contre, les limites portées au plan cadastral rénové alors qu’il existait un ancien cadastre sont purement indicatives. Toutefois, elles sont trop souvent utilisées comme définitives par certains géomètres et surtout les géomètres de l’administration qui confondent la limite résultant du procès verbal de bornage établi lors de l’ancien cadastre ou dans le cas des travaux de confection cadastrale avec celles figurant au cadastre rénové, qui sont des applications graphiques sans bornage ni signature de procès verbaux. La numérisation du cadastre rénové ayant abouti à la création d’une bande de donnée a aggravé cette situation permettant à quiconque sait manier les coordonnées rectangulaires et polaires de se déclarer géomètre.
La détermination d’une limite étant suggestive, il convient de rester prudent dans l’utilisation du fonds de plan cadastral. Dans tous les cas, c’est la référence à l’acte et aux plans qui s’impose.

b) Concernant la valeur des informations
relatives aux propriétaires, les recherches peuvent avoir été mal faites et n’avoir pas tenu compte de vente ou morcellement plus récent que le dernier titre consulté, malgré les enquêtes publiques
préalables à la mise en circulation des plans cadastraux.
Elles ne comportent pas les éventuels ayants droit d’un propriétaire décédé.
On a pu voir à RANGIROA des procès verbaux de bornage attribuant à une personne des terres alors que le Tomite indiquait que cette dernière les avait déclarer au nom de son frère.
On imagine les litiges entre les descendants .
Les procès verbaux de bornage peuvent également être utilisés comme éléments de preuve de la possession ou de son absence.

3) CONCLUSION
Le cadastre après 150 ans n’est toujours pas achevé.
L’élaboration cadastrale restant à faire ne concerne que des terres de faible intérêt économique (par exemple RARAKA ou MAKEMO).
Toutefois, ces zones posent problèmes puisque aucun partage fiable ne peut y être réalisé, les terres n’étant pas positionné de manière quasi certaine.
La rénovation cadastrale restant à réaliser permettra d’obtenir une cartographie précise du morcellement et un suivi des transactions. Ces travaux sont un préalable nécessaire et indispensable à la mise en oeuvre de la gestion de l’indivision,